Pollution lumineuse par Ph. Demoulin

Introduction

D’aussi loin qu’on se souvienne, l’humanité a tourné un regard émerveillé vers le ciel. Elle y cherchait des signes annonciateurs de bonnes ou de mauvaises nouvelles. Nombreuses furent les civilisations qui construisirent des ouvrages monumentaux orientés en fonction des astres et destinés à servir de repères. La succession des jours et des nuits, la forme changeante de la Lune, le mouvement des planètes, le retour régulier des saisons, les éclipses, etc. sont autant de phénomènes célestes qui suscitèrent la crainte, l’émerveillement, la curiosité et participèrent au développement de l’intelligence de l’être humain. Progressivement, les hommes apprirent à interpréter leurs observations. La science était née.

A notre époque, l’organisation de la société et le développement des nouvelles technologies ont modifié considérablement notre accès au ciel étoilé. Pour toutes sortes de raisons, allant de la sécurité dans nos déplacements jusqu’aux annonces publicitaires, la nuit est battue en brèche. Les lampadaires surgissent de partout et brillent encore longtemps après que le dernier citoyen se soit mis au lit.

Aujourd’hui, les personnes qui vivent dans ou à proximité des villes, ont perdu presqu’en totalité la vue du ciel étoilé. Pourtant, il s’agit d’un des spectacles les plus beaux que nous offre la nature : la vue de notre Univers ! La situation est tellement déplorable dans les pays civilisés que même des zones rurales, la Voie Lactée est à peine visible. La vue spectaculaire du ciel nocturne qu’avaient encore nos arrière-grands-parents n’existe malheureusement plus.

Le présent document est destiné à informer et sensibiliser le public au problème de la pollution lumineuse en vue de sauvegarder la qualité du ciel noir.

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L’entrée du Canal Albert à Liège. Un exemple flagrant de pollution lumineuse… que de lumière éclairant en vain le ciel… quel gaspillage !Photo par Jean Marc Gillard le 28 novembre 2000 vers 23h40 (pose 10 secondes sur film 200 ASA).

Cette lumière qui salit le ciel

Depuis le début du siècle, la forte augmentation de la population vivant dans les zones urbaines a eu pour conséquence une rapide augmentation de la luminosité du ciel nocturne à cause de l’éclairage extérieur, illuminant les cieux sans aucun contrôle.

Pour assurer notre sécurité, nous éprouvons en effet le besoin d’éclairer les choses. Un fait aggravant est que nous avons le sentiment d’être bien protégé en faisant usage d’un éclairage excessif. L’éclairage artificiel s’est ainsi répandu un peu partout et pour toutes sortes de raisons, comme celle, tout à fait respectable, de bien voir quand on circule la nuit. Se sont ensuite ajoutés d’autres motifs : attirer l’œil des passants sur les commerces, faire étalage de richesse et de prospérité, mettre en valeur les beaux édifices, son jardin, etc. Tout ceci se faisant de façon complètement anarchique.

Issue des diverses formes mal adaptées de l’éclairage des agglomérations, routes et habitations, une quantité énorme de lumière est diffusée par les poussières, la vapeur d’eau et les molécules d’air présentes dans l’atmosphère, produisant une lueur générale qui gomme les étoiles au firmament.

Par exemple, on peut voir de très loin les halos lumineux qui semblent suspendus au-dessus des villes. C’est une des nombreuses manifestations de la pollution lumineuse.

Hormis pour la pratique de l’astronomie, il y a plusieurs autres bonnes raisons de lutter contre la pollution lumineuse et de favoriser un éclairage plus efficace :

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La comète Hale-Bopp depuis l’observatoire du Jungfraujoch (Alpes suisses). Malgré leur éloignement – au centre, Berne est à une distance de 60 km -, les villes de la plaine suisse produisent un halo lumineux dans le ciel (photo Ph. Demoulin 27 mars 1997).

Le gaspillage d’énergie

Certains modèles de luminaire envoient jusqu’à 50% de leur lumière en direction du ciel ! Cette lumière dirigée vers le haut est inutile, perdue et constitue la principale cause de la pollution lumineuse.

Les anciens systèmes d’éclairage consomment aussi beaucoup plus d’énergie. Un luminaire au sodium à basse pression consomme ainsi environ 3 fois moins d’énergie que les anciens luminaires à vapeur de mercure (voir annexe 1).

Une étude de l’IDA (International Dark-Sky Association) a montré qu’aux Etats-Unis, environ 1.5 milliards de dollars sont gaspillés chaque année en éclairant inutilement le ciel nocturne.

Les fuites de lumière

Elles se produisent lorsque la lumière ne va pas là où on en a besoin. Un mauvais éclairage extérieur illumine les propriétés des voisins et les fenêtres des chambres à coucher, réduisant l’intimité et gênant le sommeil (respect de la vie privée, perturbation du rythme circadien).

L’éblouissement

Si, à distance, vous pouvez voir l’ampoule lumineuse d’un luminaire, il s’agit d’un mauvais éclairage. Avec un bon éclairage, vous voyez le sol éclairé et non l’ampoule brillante. L’éblouissement se produit lorsque la lumière est envoyée directement dans les yeux. Il entrave la vision des piétons et des conducteurs (un peu comme quand on croise une voiture qui a laissé ses grands phares). En illuminant directement les yeux, il limite leur capacité à s’adapter à l’obscurité, rendant ainsi les zones d’ombre dangereuses.

Normalement, on ne devrait pas voir directement la lumière d’un lampadaire lorsque l’on se tient à une distance supérieure à trois fois la hauteur du poteau. L’angle sous lequel on aperçoit directement la source lumineuse sous le capot réflecteur ne devrait jamais excéder 70° par rapport au nadir.

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A gauche, un mauvais éclairage : la lumière émise vers le haut est un gaspillage d’énergie et empêche l’observation du ciel étoilé; la lumière émise près de l’horizontale éblouit les automobilistes et les piétons. A droite, un éclairage mieux conçu.

La pollution lumineuse

Il y a longtemps qu’on se préoccupe des problèmes de la pollution de l’eau, de l’air et d’environnement en général. Il est temps maintenant de s’occuper du cas de la pollution lumineuse. Bien sûr, cette pollution semble moins dangereuse et difficile à évaluer et pourtant elle est intimement liée aux autres formes de pollution.

Il s’agit bien de pollution car ce phénomène résulte d’un gaspillage d’énergie évident et entraîne une dégradation de la qualité de la vie. De plus, il ne peut être question de système écologique stable lorsqu’on supprime les heures de noirceur de la nuit, si essentielles à l’équilibre des espèces vivantes.

Certains types de lampadaires, les globes lumineux en particulier, sont d’importants pollueurs. Il est facile de constater que plus de 50% de la lumière émise par ces luminaires de type « boule » est perdue et ne sert qu’à éclairer le ciel. Par contre, si le globe était muni d’une calotte réfléchissante en aluminium, tel un bonnet, l’éclairage au sol serait fortement amélioré tout en minimisant la pollution lumineuse. Il est grand temps de remplacer progressivement les installations polluantes (surtout celles à éclairage dirigé vers le haut) et gaspilleuses d’énergie !

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Pollution lumineuse vue de l’espace. La situation est catastrophique dans notre pays. (Source : The artificial sky brightness in Europe derived from DMSP satellite data, P. Cinzano et al., octobre 1999)
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Exemple de luminaire à proscrire, car il laisse échapper la lumière vers le haut.

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